MAURICE MAETERLINCK

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Quatre poèmes:

 

HEURES TERNES

Voici d'anciens désirs qui passent,
Encor des songes de lassés,
Encor des rêves qui se lassent;
Voilà les jours d'espoir passés!
En qui faut-il fuir aujourd'hui?
Il n'y a plus d'étoile aucune;
Mais de la glace sur l'ennui
Et des linges bleus sur la lune.
Encor des sanglots pris au piège,
Voyez les malades sans feu,
Et les agneaux brouter la neige;
Ayez pitié de tout, mon Dieu!
Moi, j'attends un peu de réveil,
Moi, j'attends que le sommeil passe,
Moi, j'attends un peu de soleil
Sur mes mains que la lune glace!

 

 

 

 



FAUVES LAS


O les passions en allées,
Et les rires et les sanglots!
Malades et les yeux mi-clos
Parmi les feuilles effeuillées,

Les chiens jaunes de mes péchés,
Les hyènes louches de mes haines
Et sur l'ennui pâle des plaines
Les lions de l'amour couchés!

En l'impuissance de leur rêve
Et languides sous la langueur
De leur ciel morne et sans couleur
Elles regarderont sans trêve

Les brebis des tentations
S'éloigner lentes un à une
En l'immobile clair de lune
Mes immobiles passions!

 

 


 

AME DE NUIT
(poème conclusif du recueil Serres Chaudes)

Mon âme en est triste à la fin ;
Elle est triste enfin d'être lasse,
Elle est lasse enfin d'être en vain,
Elle est triste et lasse à la fin
Et j'attends vos mains sur ma face.

J'attends vos doigts purs sur ma face,
Pareils à des anges de glace,
J'attends qu'ils m'apportent l'anneau ;
J'attends leur fraîcheur sur ma face,
Comme un trésor au fond de l'eau.

Et j'attends enfin leurs remèdes,
Pour ne pas mourir au soleil,
J'attends qu'ils lavent mes yeux tièdes
Où tant de pauvres ont sommeil !

Où tant de cygnes sur la mer,
Des cygnes errant sur la mer,
Tendent en vain leur col morose !
Où, le long des jardins d'hiver,
Des malades cueillent des roses !

J'attends vos doigts purs sur ma face,
Pareils à des anges de glace,
J'attends qu'ils mouillent mes regards,
L'herbe morte de mes regards,
Où tant d'agneaux las sont épars !

 

 

 

 

REFLETS


Sous l'eau du songe qui s'élève
Mon âme a peur, mon âme a peur.
Et la lune luit dans mon cœur plongé
Dans les sources du rêve!

Sous l'ennui morne des roseaux.
Seul le reflet profond des choses,
Des lys, des palmes et des roses
Pleurent encore au fond des eaux.

Les fleurs s'effeuillent une à une
Sur le reflet du firmament.
Pour descendre, éternellement
Sous l'eau du songe et dans la lune.

 

 

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Roy

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