JOSE MARIA
DE HEREDIA
Des poèmes à l'ancienne, ciselés comme des joyaux.
Soleil Couchant
Les ajoncs éclatants, parure du granit,
Dorent l'âpre sommet que le couchant allume;
Au loin, brillante encor par sa barre d'écume,
La mer sans fin commence ou la terre finit.
A mes pieds c'est la nuit, le silence. Le nid
Se tait, l'homme est rentré sous le chaume qui fume;
Seul, l'angélus du soir, ébranlé dans la brume,
A la vaste rumeur de l'océan s'unit.
Alors, comme du fond d'un abîme, des traînes,
Des landes, des ravins, montent des voix lointaines
De pâtres attardés ramenant le bétail.
L'horizon tout entier s'enveloppe dans l'ombre,
Et le soleil mourant, sur un ciel riche et sombre,
Ferme les branches d'or de son rouge éventail.
La
Sieste Pas un seul bruit d'insecte ou d'abeille en maraude Tout dort sous les grands bois accablés de soleil Où le feuillage épais tamise un jour pareil Au velours sombre et doux des mousses d'émeraude. Criblant le dôme obscur, Midi splendide y rôde Et, sur mes cils mi-clos alanguis de sommeil, De mille éclairs furtifs forme un réseau vermeil Qui s'allonge et se croise à travers l'ombre chaude. Vers la gaze de feu que trament les rayons, Vole le frêle essaim des riches papillons Qu'énivrent la lumière et le parfum des sèves; Alors mes doigts tremblants saisissent chaque fil, Et dans les mailles d'or de ce filet subtil, Chasseur harmonieux, j'emprisonne mes rêves. |
La vision de Khèm
Midi. L'air brûle et sous la terrible lumière
Le vieux fleuve alangui roule des flots de plomb;
Du zénith aveuglant le jour tombe d'ablomb,
Et l'implacable Phré couvre l'Egypte entière.
Les grands sphinx qui jamais n'ont baissé la paupière,
Allongés sur leur flanc que baigne un sable blond,
Poursuivent d'un regard démesuré et long
L'élan démesuré des aiguilles de pierre.
Seul, tachant d'un point noir le ciel blanc et serein,
Au loin tourne sans fin le vol des gypaëtes;
La flamme sans fin endort les hommes et les bêtes.
Le sol ardent pétille, et l'Anubis d'airain
Immobile au milieu de cette chaude joie
Silencieusement vers le soleil aboie.
L'Oubli
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