TRISTAN CORBIERE

Rondel

Il fait noir, enfant, voleur d'étincelles!
Il n'est plus de nuits, il n'est plus de jours;
Dors... en attendant venir toutes celles
Qui disaient: Jamais! Qui disaient: Toujours!

Entends-tu leurs pas? Ils ne sont pas lourds:
Oh! Les pieds légers! - l'Amour a des ailes...
Il fait noir, enfant, voleur d'étincelles!

Entends-tu leurs voix?... Les caveaux sont sourds.
Dors: il pèse peu, ton faix d'immortelles:
Ils ne viendront pas, tes amis les ours,
Jeter leur pavé sur tes demoiselles:
Il fait noir, enfant, voleur d'étincelles!

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MAURICE CAREME

Le chat et le soleil

Le chat ouvrit les yeux
Le soleil y entra
Le chat ferma les yeux
Le soleil y resta

Voilà pourquoi le soir,
Quand le chat se réveille,
J'aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.

Novembre

Des cimes brouillées
Sortent de la brume.
Doucement s'allument
Leurs branches rouillées.

Des corbeaux tournoient
Autour de la mare
Où des feuilles rares
Tournent et se noient.

Les vents retiennent leur haleine.
Le soleil se devine à peine.
Le calme est grave, et l'on dirait

Que du côté des étangs morts,
La nature écoute, en secret,
L'automne au loin sonner du cor.

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THEOPHILE DE VIAU

"La solitude" (extrait)

Si tu mouilles tes doigts d'ivoire
Dans le cristal de ce ruisseau
Le dieu qui loge dans cette eau
Aimera, s'il en ose boire.

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BLANVILLE

sieste

Je veux dormir là toute une heure
Et goûter un calme sommeil,
Bercé par le ruisseau qui pleure
Et caressé par l'air vermeil.

Et tandis que dans ma pensée
Je verrai, ne songeant à rien
Une riche étoffe tissée
Par quelque rêve aérien

Peut-être que sous la ramure
Une blanche Fée en plein jour
Viendra baiser ma chevelure
Et ma bouche folle d'amour

 

PAUL ELUARD



"Aussi naïve qu'un miroir,
Elle n'a pas de toit,
RIEN QU'UN SOLEIL
Et l'ombre chaude sans les murs."
(l'art de la danse)


"Et le Soleil brûle en feu sombre sur mes mains."
(poèmes pour la paix)

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Cantique

L'enfant regarde la nuit de haut,
(Ne croyez pas aux avions, aux oiseaux,
Il est plus haut).
Si l'enfant meurt, la nuit prendra sa place.


Au but

La vie entièrement conquise, on pourrait s'en aller chez soi.
"Les blés sont bien mûrs et la plaine immense."
Sûrs d'être heureux pour toujours, on n'aurait plus de soucis.
"Ma plaine est immense et j'y bois l'oubli."
Le rêve viendrait, la nuit, en dormant dans un bon lit!...
"Mes yeux sont mouillés et le soleil danse."


Mon dernier poème

J'ai peint des terres désolées
et les hommes sont fatigués
de la joie toujours éloignée.
J'ai peint des terres désolées
Où les hommes ont leurs palais

J'ai peint des cieux toujours pareils,
La mer qui a tous les bateaux,
la neige, le vent et la pluie.
J'ai peint des cieux toujours pareils
Où les hommes ont leurs palais.

J'ai usé les jours et les jours
de mon travail, de mon repos.
Je n'ai rien troublé. Bienheureux,
ne demandez rien et j'irai
frapper à la porte du feu.

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Sensible

La lumière creuse le ciel
Et les oiseaux ne peuvent disparaître.
Il croit aimer les oiseaux
Et trace tantôt un faisceau,
Tantôt un réseau de ses gestes en l'air.

 

PAUL-JEAN TOULET

Puisque les jours ne t'ont laissé
Qu'un peu de cendre dans la bouche,
Avant qu'on ne tende la couche
Où ton coeur dorme, enfin glacé,
Retourne, comme au temps passé,
Cueillir, près de la dune instable,
Le lys qu'y courbe un souffle amer,
- Et grave ces mots sur le sable:
Le rêve de l'homme est semblable
Aux illusions de la mer.

 

La vie est plus vaine une image
Que l'ombre sur le mur.
Pourtant l'hiéroglyphe obscur
Qu'y trace ton passage

M'enchante, et ton rire pareil
Au vif éclat des armes ;
Et jusqu'à ces menteuses larmes
Qui miraient le soleil.

Mourir non plus n'est ombre vaine.
La nuit, quand tu as peur,
N'écoute pas battre ton coeur :
C'est une étrange peine.

Ce n'est pas drôle de mourir
Et d'aimer tant de choses :
La nuit bleue et les matins roses,
Les fruits lents à mûrir.

Ni que tourne en fumée
Mainte chose jadis aimée,
Tant de sources tarir...

Ô France, et vous Île de France,
Fleurs de pourpre, fruits d'or,
L'été lorsque tout dort,
Pas légers dans le corridor.

Le Gave où l'on allait nager
Enfants sous l'arche fraîche
Et le verger rose de pêches...

 

Roy

Maeterlinck

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